Samedi, le temps était à la pluie, mais un ami normand nous a prévenu que le ciel après le front était clair et que la nuit serait peut-être correcte au moins pendant quelques heures.
Lorsqu’on a été sevré, comme moi, du ciel d’hiver depuis 2 ans, on n’hésite pas. Si, en plus le télescope qui va servir pour ces observations vous a laissé vos plus beaux souvenirs et qu’il s’agit presque jour pour jour de l’anniversaire de ces observations mémorables, il n’y a pas une minute à perdre. Ce que nous avons fait !
Sur le chemin de la Normandie, les constellations se montrent bien reconnaissables au travers du pare-brise. Plus on avale les kilomètres, plus l’exaltation monte, mais peu avant d’atteindre le but, des nappes de brouillard viennent nous narguer et lécher le bitume, puis les champs, et bientôt s’accrochent aux arbres des bois avoisinants…
Et si la nuit n’a pas été exceptionnelle de transparence (quel euphémisme! Encore que par moments...), elle nous aura tout de même apporté quelques battements de cœur, et nous avons retenu bien souvent notre souffle devant tant de beauté !
Que des objets connus et brillants pour une soirée voilée (même avec un 800)… Mais lorsque la brise arrache les 7 voiles un à un, à l’oculaire, le strip-tease est saisissant !!
M42, le brouillard semble figer la turbulence, et les 6 étoiles du trapèze sont fines et figées, bien écartées, les 2 plus faibles étaient de couleur différente (brun-violet) mais de temps à autres, d’autres étoiles faibles apparaissaient : une à l’intérieur du trapèze, difficile et une au dessus plus souvent.
Puis le brouillard a cédé du terrain et les couleurs du cœur d’Orion sont apparues, d’abord ténues, seul l’arc en ciel s’est dévoilé puis l’aile brune encadrant l’épée d’un vert un peu fade.
Le dernier pan de brouillard qui a cédé nous a donné l’occasion de voir les bulles comme des « cocons » aux étoiles du trapèze, des sortes de « creux » dans le coton de la nébuleuse…
L’échancrure sombre semble être une trace de suie et avoir une consistance que je n’avais jamais remarquée, ce n’est pas seulement un endroit sombre et vide d’étoile, on a l’impression d’un satin noir posé sur le coton de la nébuleuse… Et dans la virgule de
M43, 2 effilochures de ce satin rentrent profondément vers le centre de la nébuleuse.
NGC 2392 Autre vision qui s’est fait désirer mais dont l’attente n’était pas vaine : La nébuleuse du clown, d’abord une tache floue avec un pic central, puis une tache floue avec un anneau interne triangulaire, et les détails de la structure sont apparu lentement, un renforcement de l’anneau interne sur un côté, les zones plus sombres qui figurent les sourcils.
NGC2371/72 : Petite anecdote, la soirée était plutôt humide, vous l’avez deviné, tout le matériel était détrempé, les oculaires s’embuaient très rapidement, et malgré les bafflages, les optiques du télescope aussi. Nous avions recours régulièrement au sèche cheveux… C’est ainsi que NGC2371/72 s’est offert à ma vue, bien diaphane dans un tel diamètre, et le brouillard n’était pas en cause : le secondaire était copieusement couvert de buée… Une âme charitable a donc décidé de m’offrir un coup de sèche cheveux et dans un tour de passe-passe, la nébuleuse est devenue très floue, elle a perdu son étoile centrale ainsi que toutes celle du champ et puis l’image s’est à nouveau formée lumineuse, précise, la centrale bien fine avec ses 2 lobes dont l’un plus brillant que l’autre.
Le dernier objet de la nuit n’a pas lieu d’être ici pourtant c’était vraiment magnifique, car la turbulence s’est calmée assez longtemps pour qu’on ait des images mémorables !
Saturne rabaisse pudiquement ses jupes, mais les jeux d’ombres sur le galbe de son globe, Cassini qui dessine un liseré sur tout le tour de l’anneau, des irrégularités dans la bande équatoriale et tout cela à travers un brouillard suffisamment dense pour stabiliser l’air ambiant et que la planète ne nous éblouisse pas. Spectacle dont on ne se lasse pas, en binoculaire !!!
Peu de plats au menu, mais après le régime sec, ce fut un festin pour mes mirettes !
Mon grand père s'est éteint, cette nuit-là. Je luis dédie cette évocation d'éternité.